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Cicéron revint seize mois après son exil[1] : toutes les villes par où il passa montrèrent tant de joie et d’empressement à aller au-devant de lui, que Cicéron était encore au-dessous de la vérité lorsqu’il disait, dans la suite, que l’Italie entière l’avait porté à Rome sur ses épaules. Crassus même, qui était son ennemi avant son exil, sortit alors à sa rencontre, et se réconcilia avec lui, voulant, disait-il, faire ce plaisir à son fils Publius, un des zélés partisans de Cicéron. Peu de temps après, Cicéron, profitant de l’absence de Clodius, se rendit au Capitole avec une suite nombreuse, arracha les tables tribunitiennes où étaient inscrits les actes du tribunat de Clodius, et les mit en pièces. Clodius ayant voulu lui en faire un crime, Cicéron répondit que c’était au mépris des lois que Clodius, né patricien, avait été nommé tribun ; que rien, par conséquent, n’était légal de ce qu’il avait fait pendant son tribunat. Caton fut très-mécontent de cette violence[2], et combattit le motif qu’avait allégué Cicéron : ce n’est pas qu’il approuvât les actes de Clodius ; au contraire, il blâmait son administration ; mais le Sénat ne pouvait, selon lui, sans injustice et sans abus d’autorité, annuler des décrets et des actes si importants, dont un, entre autres, était la commission dont il avait eu à s’acquitter lui-même dans Cypre et à Byzance. Cette dispute brouilla Caton et Cicéron, non qu’ils en vinssent à une rupture ouverte, mais ils vécurent ensemble avec moins d’intimité qu’auparavant.

Peu de temps après, Milon tua Clodius : traduit en justice pour ce meurtre, il chargea Cicéron de sa défense. Le Sénat, qui craignit que le danger où se trouvait un homme considérable et ardent, comme l’était

  1. Plutarque parle du jour où le rappel de Cicéron fut ordonné ; car Cicéron ne revint à Rome que dix-sept mois après en être sorti.
  2. Voyez la Vie de Caton dans le troisième volume.