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effet, si le connais-toi toi-même était d’une pratique facile pour tous, il ne passerait pas pour un précepte divin.

La divinité, qui voulait fondre dans un même moule Démosthène et Cicéron, a jeté, ce semble, dans leur caractère plusieurs traits de ressemblance, tels que l’ambition, l’amour de la liberté publique, le défaut de courage en face des dangers de la guerre ; et, pour compléter l’œuvre, elle y a mêlé plusieurs de ces dons qu’on attribue à la Fortune. Je ne crois pas qu’on trouve ailleurs deux orateurs qui se soient élevés, comme eux, du sein de l’obscurité et de la faiblesse, à ce haut degré de puissance et de gloire ; qui aient tenu tête, comme eux, à des rois et à des tyrans ; qui aient perdu l’un et l’autre une fille chérie ; qui, bannis de leur pays, y aient été rappelés tous deux avec honneur ; qui, obligés de fuir une seconde fois, soient tombés entre les mains de leurs ennemis, et n’aient perdu la vie qu’en voyant expirer la liberté de leurs concitoyens. De sorte que, si la nature et la Fortune entraient en dispute à leur sujet, comme des artistes pour leurs ouvrages, il serait difficile de décider si la première a mis plus de ressemblance dans les mœurs de ces deux hommes, que l’autre dans les événements de leur vie.

Parlons d’abord du plus ancien.

Démosthène, le père de Démosthène, appartenait, suivant Théopompe, à la classe des plus distingués citoyens d’Athènes. On le surnommait le fourbisseur, parce qu’il avait un vaste atelier, où des esclaves étaient occupés à forger des épées. Quant aux allégations de l’orateur Eschine, qui prétend que la mère de Démosthène était fille d’un certain Gylon, banni d’Athènes pour crime de trahison, et d’une femme barbare, je ne puis dire si elles sont l’expression de la vérité, ou seulement un mensonge calomnieux. Démosthène, à l’âge de sept ans,