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il sortit de chez lui par une porte de derrière, et évita cette entrevue.

Cicéron, trahi par Pompée et abandonné de tout le monde, eut recours aux consuls. Gabinius mit dans tous ses procédés avec lui une grande dureté ; mais Pison lui parla avec plus de douceur, et lui conseilla de se retirer, de céder pour quelque temps à la fougue de Clodius, de supporter patiemment ce revers de fortune, et d’être une seconde fois le sauveur de sa patrie, agitée, à son occasion, de séditions funestes. Cicéron délibéra sur cette réponse avec ses amis : Lucullus fut d’avis qu’il restât, l’assurant qu’il triompherait de ses ennemis ; mais les autres lui conseillèrent de s’exiler lui-même pour un temps, persuadés que le peuple, quand il serait las des fureurs et des folies de Clodius, ne tarderait pas à le regretter. C’est à ce dernier parti que s’arrêta Cicéron, Il avait depuis longtemps dans sa maison une statue de Minerve, qu’il honorait singulièrement : il la prit, et la porta dans le Capitole, où il la consacra, avec cette inscription : À MINERVE, PROTECTRICE DE ROME. Il se fit escorter par les gens de quelques-uns de ses amis, et prit à pied le chemin de la Lucanie, pour se rendre de là en Sicile.

Dès qu’on sut qu’il avait pris la fuite, Clodius fit rendre contre lui un décret de bannissement, et afficher la défense de lui donner l’eau et le feu, et de le recevoir dans les maisons, à une distance de moins de cinq cents milles de l’Italie[1]. Mais le respect qu’on avait pour Cicéron fit généralement mépriser cette défense : on lui fit partout un accueil empressé, et on l’accompagnait en lui témoignant les plus grands égards. Seulement, dans Hippo-

  1. Cicéron dit qu’il lui était permis de demeurer au delà de quatre cent huit milles, ad Attic, iii, 4 ; et, dans un autre passage, il craint qu’Athènes ne paraisse pas encore assez éloignée de l’Italie, ad Attic., iii, 7.