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pas une bonne réputation ; et il était lui-même d’un caractère fort léger : pendant qu’il était tribun, il se démit tout à coup de sa charge, pour aller trouver Pompée en Syrie[1], et il en revint avec moins de raison encore. Philagre[2], son précepteur, étant mort, il lui fit de magnifiques obsèques, et mit sur son tombeau un corbeau de marbre. « Tu ne pouvais mieux faire, lui dit Cicéron ; car ton précepteur t’a bien plus appris à t’envoler qu’à parler[3].  » Marcus Appius ayant dit, dans l’exorde d’un plaidoyer, que l’ami qu’il défendait l’avait conjuré d’apporter à cette cause exactitude, raisonnement et bonne foi : « Comment donc, lui dit Cicéron, as-tu le cœur assez dur pour ne rien faire de tout ce que ton ami t’a demandé ? »

Sans doute c’est une des qualités de l’orateur de savoir lancer contre des ennemis ou contre sa partie adverse de ces brocards aigres et mordants ; mais Cicéron, qui les employait indifféremment contre tout le monde, afin de jeter du ridicule sur les personnes, se rendit odieux par là à une foule de gens. J’en citerai quelques exemples. Marcus Aquilius avait deux de ses gendres bannis : Cicéron le nommait Adraste. Lucius Cotta, qui aimait fort le vin, était censeur, lorsque Cicéron brigua le consulat. Pressé par la soif le jour de l’élection, Cicéron but, au milieu de ses amis qui l’entouraient : « Vous faites bien d’avoir peur, leur dit-il, que le censeur ne se fâche contre moi, s’il me voyait boire de l’eau. » Il rencontra dans les rues Voconius menant

  1. Plutarque appelle ailleurs Diodotus le précepteur de Métellus ; mais Philagre était probablement le surnom de ce personnage.
  2. Voyez la Vie de Caton le Jeune.
  3. Ce mot n’est pas clair, tant s’en faut : c’est peut-être une allusion à ce voyage si rapide que Métellus avait fait en Syrie ; mais encore je ne vois pas ce que le précepteur viendrait faire ici.