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prendre courage, et à ne pas craindre Vitellius. « Car, ajouta-t-il, je lui ai conservé sa mère, ses enfants et sa femme, avec autant de soin que j’en aurais pu prendre de ma propre famille. C’est par cette raison-là même que je ne t’ai pas adopté pour mon fils, comme j’en avais d’abord le désir ; mais je voulais attendre l’issue de cette guerre. Souviens-toi que je n’ai différé cette adoption que pour te faire régner avec moi si j’étais vainqueur, et afin qu’elle ne causât pas ta mort si j’étais vaincu. La dernière recommandation que je te fais, mon enfant, c’est de ne pas oublier entièrement, comme aussi de ne te pas trop souvenir que tu as eu pour oncle un empereur. »

Il n’eut pas plutôt cessé de parler, qu’il entendit des cris et du tumulte à sa porte : c’étaient les soldats qui menaçaient de tuer les sénateurs s’ils se retiraient et abandonnaient l’empereur. Othon, qui craignait pour leur vie, parut une seconde fois en public, non plus d’un air doux et d’un ton suppliant, mais avec un visage courroucé et une voix menaçante, et lança sur ceux des soldats qui faisaient le plus de bruit un regard si terrible, qu’ils se retirèrent pleins d’effroi. Sur le soir, il eut soif et but un verre d’eau ; ensuite, s’étant fait apporter deux épées et en ayant longtemps examiné le fil, il rendit l’une, et mit l’autre sous son bras. Puis il appela ses domestiques, leur parla avec bonté, et leur distribua, à l’un plus, à l’autre moins, tout l’argent qu’il avait, non point pourtant avec prodigalité, comme choses appartenant à un autre maître, mais dans une mesure proportionnée au mérite de chacun. Après avoir fait ce partage, il les congédia, et s’endormit si profondément, que ses domestiques l’entendaient ronfler.

Le lendemain, au point du jour, il fit appeler l’affranchi qu’il avait chargé de pourvoir au départ des sénateurs, et lui ordonna d’aller s’informer s’ils étaient partis. Cet