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ses soldats à l’ennemi, qui était campé à cent stades[1] de là, Paulinus s’y opposa, disant qu’il fallait attendre, et non point aller, déjà fatigués d’une longue marche, attaquer des troupes bien armées, et qui auraient tout le temps de se ranger en bataille, pendant qu’ils feraient un long trajet chargés de bagages et embarrassés de valets. Il s’était élevé, sur ce sujet, une contestation entre les généraux, lorsqu’un cavalier numide arriva chargé de lettres d’Othon. Othon ordonnait de ne pas différer davantage, et d’aller sur-le-champ attaquer l’ennemi. Alors l’armée se met en marche : Cécina, averti de son approche, en fut tellement troublé, qu’il abandonna soudain et le travail du pont et la rivière, et rentra dans son camp, où il trouva la plupart des soldats en armes et ayant déjà reçu de Valens le mot d’ordre. Pendant que les légions achèvent de se ranger en bataille, on envoie la cavalerie, pour commencer les escarmouches.

Tout à coup, et sans qu’on connût sur quel fondement, le bruit se répandit, dans les premiers rangs de l’armée d’Othon, que les généraux de Vitellius passaient de leur côté. Quand donc les deux armées furent proches l’une de l’autre, ceux d’Othon saluèrent les autres amicalement, en les appelant leurs compagnons ; mais, loin de recevoir ce salut avec douceur, les vitelliens y répondirent d’un ton de colère et de fureur qui n’annonçait que la volonté de combattre. Les autres, tout déconcertés de leur méprise, perdirent courage, et les vitelliens les soupçonnèrent de trahison : aussi ne firent-ils rien avec ordre dans la première charge, tant ils étaient troublés. D’ailleurs les bêtes de somme, étant mêlées avec les combattants, mettaient la confusion dans les rangs ; d’un autre côté, le champ de bataille était coupé de fossés et de ravins ;

  1. Environ cinq lieues.