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ils n’avaient pas moins d’audace et d’insolence que ceux d’Othon, et par les mêmes causes ; mais ils avaient sur ceux-ci l’avantage de l’expérience militaire ; et, accoutumés au travail et aux fatigues, ils ne fuyaient point la peine, tandis que les prétoriens, amollis par l’oisiveté et la vie paisible qu’ils menaient à Rome, dans les théâtres, les assemblées et les spectacles, affectaient de dédaigner les fonctions militaires, non qu’ils manquassent de courage, mais parce qu’ils les regardaient comme indignes d’eux. Spurina, ayant voulu les contraindre, se vit en danger de perdre la vie. Ils l’accablèrent d’injures et d’outrages ; ils l’accusèrent de trahison, et lui reprochèrent de ruiner les affaires de César, en ne profitant point des occasions favorables. Il y en eut même plusieurs qui, étant ivres, allèrent la nuit dans sa tente lui demander un congé, disant qu’ils voulaient aller l’accuser auprès de César. Mais ce qui sauva Spurina et servit aux affaires dans la conjoncture présente, ce furent les affronts auxquels son armée fut en butte à Plaisance. Les troupes de Vitellius, étant allées attaquer cette place, raillèrent amèrement les soldats d’Othon qui étaient sur les murailles : ils les traitaient de comédiens, de danseurs, de spectateurs des jeux pythiques et olympiques ; de gens qui n’avaient aucune expérience des combats et des faits d’armes, et qui regardaient comme un grand exploit d’avoir coupé la tête à un vieillard sans armes (c’était de Galba qu’ils parlaient), mais qui n’avaient jamais eu le courage de se présenter en bataille devant des hommes. Ces paroles offensantes les piquèrent tellement, qu’ils allèrent se jeter aux pieds de Spurina, pour le conjurer de se servir d’eux et de leur commander tout ce qu’il lui plairait, protestant que ni les travaux ni les périls ne les feraient reculer.

Les vitelliens donnèrent un rude assaut à la ville ; ils mirent en usage toutes leurs batteries ; mais les troupes de Spurina eurent l’avantage. Elles repoussèrent les