Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/656

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tremblait pour les sénateurs, et les sénateurs ne redoutaient que lui-même. Il les voyait muets, les yeux fixés sur sa personne, et plusieurs d’entre eux d’autant plus effrayés qu’ils avaient amené leurs femmes à ce souper. Alors Othon envoie les capitaines des gardes prétoriennes parler aux soldats et tâcher de les adoucir ; puis, faisant lever de table les convives, il les fait sortir du palais par une porte dérobée. Ils étaient à peine dehors que les soldats entrent dans la salle, demandant où étaient les ennemis de César. Othon se lève aussitôt de dessus son lit, leur parle longtemps pour les apaiser, n’épargnant ni prières ni larmes : il fit tant qu’il finit par les renvoyer.

Le lendemain, après avoir fait distribuer à chacun douze cent cinquante drachmes[1], Othon se rendit au camp ; et là, ayant loué les soldats de leur zèle et de l’affection qu’ils lui avaient témoignée, il dit qu’il s’en trouvait parmi eux dont les intentions n’étaient point pures, et qui faisaient calomnier la fidélité de leurs compagnons ; puis il les pria d’entrer dans son ressentiment, et de l’aider à les punir. Tous applaudirent à son discours, et le pressèrent de châtier les coupables ; mais Othon n’en fit arrêter que deux, à la punition desquels personne ne s’intéressait, après quoi il s’en retourna au palais.

Ceux qui aimaient Othon, et dont il avait gagné la confiance, s’émerveillaient de ce changement ; mais les autres étaient persuadés qu’il ne faisait qu’obéir à la nécessité des conjonctures, et qu’il flattait ainsi le peuple, à cause de la guerre dont il se voyait menacé. Déjà il avait appris que Vitellius avait pris le titre et les marques de la dignité impériale ; et chaque jour de nouveaux courriers venaient lui annoncer l’accroissement du parti de Vitel-

  1. Environ onze cent vingt-cinq francs de notre monnaie.