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pour se rendre au camp, et l’y déclarer son successeur. Mais, en sortant du palais et pendant le chemin, il eut des signes menaçants, et, lorsqu’il fut arrivé dans le camp, et qu’il voulut haranguer ou lire son discours, des coups de tonnerre et des éclairs continuels l’interrompirent ; il survint une si grosse pluie, la ville et le camp furent couverts de si épaisses ténèbres, qu’il était manifeste que les dieux n’approuvaient pas cette adoption, et qu’elle serait malheureuse. Le mécontentement des soldats se manifestait par un air sombre et farouche : ils étaient aigris de ce que, même dans cette occasion, on ne leur faisait pas la moindre largesse. Pour Pison, ceux qui étaient présents, et qui jugeaient de ses dispositions par l’air de son visage et le ton de sa voix, furent frappés d’étonnement de voir qu’il recevait sans émotion une aussi grande faveur, quoiqu’il y fût d’ailleurs très-sensible. Le visage d’Othon, au contraire, portait les marques visibles de la colère et du dépit que lui causait la perte de ses espérances. Il avait été jugé le premier digne de l’empire, et s’était vu si près de l’obtenir, que Galba, en le rejetant, lui donnait une preuve visible de sa malveillance et de sa haine. Aussi n’était-il pas sans crainte pour l’avenir : il redoutait Pison, haïssait Galba ; et, irrité contre Vinnius, il s’en retourna le cœur agité de passions différentes. Les devins et les chaldéens, qui ne le quittaient pas, entretenaient sa confiance et son espoir : il se rassurait surtout par les paroles de Ptolémée, en qui il avait confiance, parce que Ptolémée lui avait prédit que Néron ne le ferait pas périr, que Néron mourrait le premier, et que, non-seulement il lui survivrait, mais qu’il deviendrait empereur. Comme l’événement avait justifié le commencement de la prédiction, Ptolémée soutenait qu’Othon ne devait pas désespérer d’en voir la fin s’accomplir. Ce qui l’animait encore, c’étaient ceux de ses amis qui le plaignaient en secret, et qui s’indignaient de l’in-