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sa vertu ; mais il ne lui donna non plus nulle marque de bienveillance, retenu qu’il était par ses amis, et en particulier par Titus Vinnius, qui portait envie à Verginius, et qui croyait par là nuire à son avancement ; mais il ne s’apercevait pas qu’il secondait, à son insu, la bonne fortune de Verginius, en l’éloignant des maux sans nombre auxquels les guerres assujettissaient les autres généraux, et en lui laissant couler une vieillesse paisible au sein d’une vie tranquille et sans orages.

Les députés envoyés par le Sénat rencontrèrent Galba près de Narbonne, ville des Gaules ; là, ils lui rendirent leurs devoirs, et le pressèrent d’aller bien vite se montrer au peuple, qui désirait ardemment sa présence. Galba les accueillit très-bien : il leur parla avec autant de bonté que de familiarité ; et, dans les repas qu’il leur donna, laissant de côté la vaisselle d’or et d’argent et les autres meubles de Néron, que Nymphidius lui avait envoyés, il ne se servit que de ses propres meubles et de sa vaisselle, montrant en cela une grandeur d’âme qui le rendait supérieur à la vanité. Mais bientôt Vinnius lui fit entendre que cette magnanimité, cette modestie et cette simplicité, étaient une manière basse de flatter le peuple, que la véritable grandeur dédaignait d’employer ; et il lui persuada de faire usage des richesses de Néron, et de ne rien épargner pour étaler à sa table une magnificence royale. On ne tarda pas à croire que le vieillard se laisserait gouverner par Vinnius, le plus avare et le plus voluptueux de tous les hommes. Ce Vinnius, étant encore jeune, et faisant sa première campagne sous Calvisius Sabinus, fit entrer une nuit dans le camp, déguisée en soldat, la femme de son capitaine, qui était très-débauchée, et la corrompit dans l’endroit même du camp que les Romains appellent Principia[1]. Caïus César, pour

  1. C’était une enceinte qu’on regardait comme sacrée, où l’on plaçait les aigles et les autres enseignes militaires, et où l’on convoquait l’assemblée des soldats.