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bruit s’étant répandu que les vainqueurs exigeaient, pour prix d’une aussi grande victoire, que Verginius acceptât l’empire, sans quoi ils menaçaient de rentrer sous l’obéissance de Néron, alors Galba fut si effrayé, qu’il écrivit à Verginius, pour le prier de s’entendre avec lui, afin de conserver aux Romains l’empire et la liberté. Après avoir fait cette démarche, il s’en retourna avec ses amis à Colonia[1] ville d’Espagne, où il séjourna quelque temps : il se repentait déjà de ce qu’il avait fait, et regrettait la vie douce et paisible à laquelle il était habitué, au prix des embarras de sa position présente.

On était alors au commencement de l’été : un soir, à la nuit tombante, un de ses affranchis, nommé Icélus, arriva de Rome au camp : il avait fait ce trajet en sept jours. Ayant appris que Galba était déjà retiré dans sa tente, il y accourut, y entra malgré les domestiques, qui voulaient l’en empêcher, et lui annonça que l’armée d’abord, et ensuite le Sénat, qui ne voyaient point paraître Néron, quoiqu’il fût encore vivant, l’avaient proclamé empereur, et que, quelques instants après, on avait appris la mort du tyran. « Je n’ai pas voulu, ajouta-t-il, m’en rapporter à ceux qui répandaient la nouvelle : je suis allé sur le lieu même ; et ce n’est qu’après avoir vu son corps gisant par terre que je suis parti. » Cette nouvelle causa une extrême joie à Galba : il accourut aussitôt à sa porte une foule immense, que son air satisfait rassura, quoique la diligence du courrier parût incroyable ; mais, deux jours après, Titus Vinnius arriva du camp, suivi de plusieurs officiers, et lui apporta le détail de tout ce que le Sénat avait fait. Galba donna à Vinnius, pour récompense, une charge honorable, et à son affranchi le droit de porter un anneau d’or : ce dernier ajouta à son nom d’Icélus celui

  1. D’autres lisent Clunia, ville de la Celtibérie, ou Espagne tarragonaise.