Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neur. Mais sa vie simple et frugale, la modicité de sa dépense, éloignée de toute superfluité, le firent accuser d’avarice, dès qu’il fut parvenu à l’empire ; et la gloire qu’il tirait de son économie fut regardée comme chose surannée et hors de saison.

Néron, qui n’avait point encore appris à redouter les citoyens revêtus de grandes dignités, l’envoya commander en Espagne ; et, comme Galba était naturellement doux et humain, sa vieillesse donnait bonne opinion de sa prudence. Les intendants de Néron, tous scélérats avérés, pillaient avec non moins de cruauté que d’injustice les provinces qu’ils gouvernaient : Galba, qui ne pouvait les garantir de ces vexations, partageait du moins ouvertement leurs peines : il souffrait de leurs maux comme s’ils eussent été les siens propres ; et c’était une sorte de consolation et de soulagement pour ceux-là même que les tribunaux condamnaient à être vendus comme esclaves. Dans ce temps-là, il courut contre Néron des chansons satiriques : Galba n’empêcha point qu’on les chantât, et ne partagea pas à cet égard la colère des intendants de Néron ; par suite de quoi l’affection que lui portaient déjà les gens du pays, avec lesquels il avait formé une étroite liaison, depuis huit ans qu’il gouvernait leur province, s’augmenta singulièrement encore.

À cette époque, Junius Vindex, qui commandait en Gaule, se révolta contre Néron. Mais, avant que la conjuration eût éclaté, Vindex, dit-on, en avait écrit à Galba, qui ne voulut point y croire : il ne dénonça pas Vindex, comme firent plusieurs commandants, qui envoyèrent à Néron les lettres que Vindex leur avait écrites, et qui par là arrêtèrent, autant qu’il fut en eux, l’effet de l’entreprise ; mais, dans la suite, ces hommes, ayant été reconnus comme complices de cette révolte, convinrent qu’ils ne s’étaient pas moins trahis eux-mêmes qu’ils n’avaient trahi Vindex.