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tablier moitié blanc et moitié couleur de pourpre. Pendant le sacrifice, les musiciens du théâtre chantaient sur la lyre des hymnes en l’honneur d’Aratus ; et le maître du gymnase, à la tête d’un chœur d’enfants et de jeunes garçons, faisait une procession autour du monument. Le Sénat en corps, et couronné de fleurs, ainsi que tous ceux des citoyens qui voulaient y assister, suivaient la procession. Aujourd’hui encore il subsiste quelques vestiges de cette cérémonie, conservés par un sentiment religieux ; mais la plupart des autres honneurs qui furent décernés alors à Aratus ont cessé, soit par le laps du temps, ou par les affaires qui sont survenues depuis.

Tels furent, d’après les historiens, le caractère et la vie d’Aratus. Quant à son fils, Philippe, naturellement pervers, et qui aimait à joindre la cruauté à l’outrage, lui fit donner des poisons qui, sans être mortels, font perdre la raison et jettent dans la démence. Son esprit en fut aliéné ; et il ne se porta plus qu’à entreprendre des choses horribles, à commettre des actions infâmes, et à satisfaire les passions les plus honteuses et les plus funestes : aussi, quoiqu’il fût encore à la fleur de l’âge, la mort fut-elle pour lui moins un malheur qu’une délivrance de ses maux et un véritable affranchissement. Mais Philippe, pendant tout le reste de sa vie, paya à Jupiter, protecteur de l’hospitalité et de l’amitié, la juste peine de ses actions impies. Car, ayant été vaincu par les Romains, et obligé de se remettre à leur merci, il fut privé de toutes ses conquêtes, contraint d’abandonner tous ses vaisseaux, à l’exception de cinq, de payer une amende de mille talents[1], et de donner son fils en otage. Enfin, il ne dut qu’à la pitié des vainqueurs de conserver la Macédoine avec ses dépendances : il y continua d’immoler à sa cruauté les hommes les plus vertueux et ceux

  1. Environ six millions de francs.