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même, et ambitionnaient l’honneur de lui élever un monument qui répondit à la gloire de sa vie ; mais les Sicyoniens, qui regardaient comme un malheur public qu’il fût enterré ailleurs que dans leur ville, persuadèrent aux Achéens de leur céder cet honneur. Toutefois, comme une ancienne loi, que fortifiait encore une crainte superstitieuse, défendait d’enterrer personne dans l’enceinte des murailles, ils envoyèrent à Delphes consulter la pythie, qui leur fit cette réponse :

Tu médites, Sicyone, de payer à Aratus,
À ton chef qui n’est plus, le prix de la gloire et du bonheur qu’il t’a donnés.
Eh bien, toute offense commise contre ce héros
Est une impiété qui souille la terre, et le ciel et la mer.


Cet oracle, porté à Sicyone, ravit de joie tous les Achéens, mais plus particulièrement encore les Sicyoniens : ceux-ci changent leur deuil en fête, se couronnent de fleurs, se revêtent de robes blanches, et transportent aussitôt le corps d’Aratus d’Égium dans leur ville, au milieu des danses et des chants de triomphe. Ils choisirent le lieu le plus éminent, et l’y enterrèrent, comme fondateur et sauveur de leur ville. Ce lieu s’appelle encore aujourd’hui Aratium. On y offre chaque année deux sacrifices solennels : le premier, le jour même qu’Aratus délivra Sicyone de la tyrannie, qui est le cinquième du mois Désius, appelé par les Athéniens Anthestérion[1] ; et ce sacrifice porte le nom de Sotéria[2]. Le second se célèbre le jour anniversaire de sa naissance. Dans l’origine, le premier sacrifice était offert par le prêtre de Jupiter Sauveur, et le second par le fils même d’Aratus, ceint d’un

  1. Mois dont le commencement correspond ordinairement aux derniers jours de janvier.
  2. C’est-à-dire en l’honneur du Sauveur.