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Philippe de dire sa pensée : « Philippe, lui dit-il, il y a en Crète plusieurs montagnes fort élevées ; la « Béotie et la Phocide possèdent un nombre considérable de forteresses bâties sur des rochers escarpés ; il y a aussi dans l’Acarnanie, tant au milieu des terres que sur les côtes, des châteaux bien fortifiés : tu n’en as pris aucun de force, et pourtant ils t’obéissent tous volontairement. C’est aux brigands de se renfermer dans des rochers, de s’entourer de précipices ; mais, pour un roi, la orteresse la plus sûre et la mieux défendue, c’est la confiance et l’amour de ses sujets. C’est ce qui t’a ouvert la mer de Crète ; c’est ce qui t’a introduit dans le Péloponnèse ; c’est enfin ce qui t’a rendu, malgré ta jeunesse, le chef des uns et le maître des autres. » Il parlait encore, lorsque Philippe, remettant au devin les entrailles de la victime, et prenant Aratus par la main : « Reprenons, lui dit-il, le chemin par où nous sommes venus ; » faisant entendre par là que les représentations d’Aratus lui avaient fait une sorte de violence, et comme arraché la citadelle des mains.

Depuis ce moment, Aratus se retira de la cour : il rompit peu à peu tout commerce avec Philippe ; et, lorsque le roi marcha sur l’Épire, et le pria avec instance de l’accompagner dans cette expédition, il le refusa, et se tint à Sicyone, de peur de partager le blâme du mal que Philippe ferait. Philippe, après avoir honteusement perdu sa flotte dans la guerre contre les Romains, et avoir échoué dans toutes ses entreprises, revint dans le Péloponnèse : il tenta encore de tromperies Messéniens ; mais ses ruses furent découvertes. Il eut alors recours à la violence, et ravagea tout le pays. Ce fut alors aussi qu’Aratus s’éloigna définitivement de lui : il se plaignit hautement de la conduite de Philippe, dont il avait découvert le commerce criminel avec la femme de son fils : il en était très-affligé ; néanmoins il n’en dit rien à son fils, que la connaissance