faisait au roi les plus sanglants reproches. Le jeune homme qui, à ce qu’il paraît, aimait Philippe, lui dit alors que, loin de le trouver beau depuis qu’il avait fait une mauvaise action, il le trouvait le plus laid des hommes. On s’attendait à voir Philippe répondre au jeune Aratus d’un ton irrité, car il s’était récrié plusieurs fois pendant qu’il lui parlait ainsi ; mais il garda le silence ; et, comme s’il eût pris en patience les reproches du jeune Aratus, et qu’il fût naturellement doux et honnête, il prit le père par la main, et le fit sortir du théâtre ; puis il le mena vers la citadelle d’Ithome[1], pour y sacrifier à Jupiter, et visiter la place, laquelle n’est pas moins forte que l’Acrocorinthe, et qui, avec une bonne garnison, est fort incommode aux pays voisins, et presque imprenable.
Lorsque Philippe y fut monté, et qu’il eut fait le sacrifice, le devin lui présenta les entrailles du bœuf qui venait d’être immolé : le roi les prit entre ses mains, puis il les montra à Aratus et à Démétrius de Pharos[2], se penchant tour à tour vers l’un et vers l’autre, et leur demandant si, d’après ce qu’ils voyaient dans les entrailles de la victime, ils jugeaient qu’il dût garder la citadelle, ou la rendre aux Messéniens. Alors Démétrius se prit à rire. « Si tu as l’âme d’un devin, lui dit-il, tu la rendras, mais si tu as l’âme d’un roi, tu retiendras le bœuf par les deux cornes ; » désignant par le bœuf le Péloponnèse, et donnant à entendre à Philippe que, s’il occupait à la fois la citadelle d’Ithome et celle de Corinthe, il tiendrait le Péloponnèse entier sous sa dépendance. Aratus gardait le silence ; mais, à la fin, pressé par