Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme ils continuaient à brouiller et à ruiner ses affaires, il les fit mourir.

Mais bientôt Philippe, enorgueilli par la prospérité, laissa percer au dehors une foule de passions vicieuses, dont il portait le germe dans son âme. Sa perversité naturelle se fit jour à travers le déguisement dont il avait cherché à la cacher malgré lui, découvrit peu à peu et finit par mettre à nu la corruption de ses mœurs. D’abord, il fit un affront sanglant au jeune Aratus, en séduisant sa femme. Ce commerce criminel fut longtemps ignoré, parce qu’Aratus avait logé Philippe dans sa propre maison[1]. Ensuite il tint, à l’égard des villes du Péloponnèse, une conduite dure et hautaine, et finit par s’éloigner ouvertement d’Aratus. Les premiers soupçons qu’il conçut contre lui vinrent de ce qui se passa à Messène. La division s’était mise parmi les habitants de la ville : Aratus alla à leur secours ; mais il fut devancé par Philippe, qui arriva un jour avant lui, et qui, dès l’abord, au lieu d’apaiser les Messéniens, ne fit que les aigrir davantage les uns contre les autres, demandant d’un côté, aux magistrats, s’ils n’avaient pas des lois pour réprimer le peuple ; de l’autre, au peuple, s’il n’avait pas des mains pour se venger des tyrans. Ces propos irritèrent également les deux partis : les magistrats firent saisir les démagogues ; et ceux-ci, ayant soulevé la multitude, massacrèrent les magistrats, et avec eux environ deux cents des personnages les plus considérables de la ville.

Quand Philippe, par cette indigne conduite, eut augmenté la division des Messéniens, Aratus arriva dans la ville. Il témoigna ouvertement son mécontentement contre Philippe, et n’imposa point silence à son fils, qui

  1. Tite Live dit que Philippe enleva la femme du jeune Aratus, qui se nommait Polycratia, et l’emmena en Macédoine, séduite par l’espoir qu’il lui donna de l’épouser.