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déroute ; mais il la poursuivit avec tant d’ardeur et un tel désir de gloire, qu’il alla donner dans des lieux tortueux, couverts d’arbres et coupés par de larges fossés, où Cléomène, revenant sur lui, l’attaqua si vigoureusement, qu’il tomba mort sur la place, en se défendant avec beaucoup de valeur, et en soutenant le plus glorieux de tous les combats aux portes mêmes de sa patrie. Le reste de sa cavalerie prit la fuite, et se jeta sur l’infanterie : ils mirent le désordre parmi les rangs, remplirent toute l’armée d’effroi, et l’entraînèrent dans leur défaite. On rendit Aratus presque seul responsable de ce désastre, parce qu’il parut avoir abandonné Lysiadès ; et les Achéens, qui se retiraient fort en colère, l’obligèrent de les suivre à Égium. Là, le conseil, s’étant assemblé, décréta que dorénavant on ne fournirait plus d’argent à Aratus ; qu’on ne soudoierait plus ses étrangers, et que, s’il voulait continuer la guerre, il la ferait à ses dépens.

Aratus, vivement affecté de cet affront, fut sur le point de leur rendre le sceau, et de déposer le commandement : toutefois, après quelques réflexions, il se résigna. Peu de temps après, il mena les Achéens à Orchomène, où il combattit contre Mégistonus, beau-père de Cléomène, le vainquit, lui tua trois cents hommes, et le fit lui-même prisonnier. Jusque-là Aratus avait commandé de deux années l’une ; mais cette fois, quand son tour revint et qu’on l’appela pour l’élection, il refusa le commandement, et Timoxénus fut élu général à sa place. On allègue pour raison de ce refus, qu’il était mécontent du peuple ; mais ce motif paraît invraisemblable : la véritable cause fut, à mon avis, le mauvais état dans lequel se trouvaient les affaires des Achéens. Car Cléomène n’allait plus à ses fins par des progrès lents et à peine sensibles, comme auparavant, lorsque les magistrats de Lacédémone contre-balançaient sa puissance : depuis qu’il avait fait périr les éphores, partagé les terres, donné le droit