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faisceaux, et on portait devant lui des enseignes. Il se rendit en cet état au camp de Mallius. Là, après avoir assemblé environ vingt mille hommes, il allait par le pays, sollicitant les villes, et les mettant en révolte. C’était là une formelle déclaration de guerre ; et Antonius fut envoyé pour le combattre.

Ceux des citoyens corrompus par Catilina qui étaient restés dans Rome furent assemblés et encouragés par Cornélius Lentulus, surnommé Sura, homme d’une haute naissance, mais que l’infamie de sa conduite et ses débauches avaient fait chasser du Sénat : il était alors préteur pour la seconde fois, comme il est d’usage pour ceux qui veulent être rétablis dans leur dignité de sénateur. Quant au surnom de Sura, voici, à ce que l’on conte, pour quel motif il lui fut donné. Étant questeur, du temps de Sylla, il avait consumé en folles dépenses une grande partie des deniers publics : Sylla irrité lui demanda compte, en plein Sénat, de son administration. Lentulus, s’avançant d’un air d’indifférence et de dédain, dit qu’il n’avait pas de compte à rendre, mais qu’il présentait sa jambe : c’est ce que font les enfants quand ils ont commis quelque faute en jouant à la paume. C’est là ce qui lui fit donner le surnom de Sura, qui, en latin, veut dire jambe[1]. Une autre fois, cité en justice, et ayant corrompu quelques-uns de ses juges, il ne fut absous qu’à la pluralité de deux voix : « J’ai perdu, dit-il, l’argent que j’ai donné à l’un de ceux qui m’ont absous ; car il me suffisait de l’être à la majorité d’une voix. »

Un homme d’un tel caractère fut bientôt ébranlé par

  1. Ce conte est par trop puéril ; d’ailleurs le nom de Sura est beaucoup plus ancien que Plutarque ne le suppose, puisqu’on trouve, dès l’an 555 de Rome, deux siècles avant notre ère, un P. Sura, lieutenant de T. Otacilius. Le nom même de Sylla en est, suivant quelques grammairiens, un diminutif : Sura, Surulla, Sulla ou Sylla. Voyez Egger, Latini serm. vetust. reliquiœ, p. 111.