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même, il semble que la tyrannie de Lysiadès avait laissé dans les esprits quelques doutes sur la sincérité de son changement.

Aratus, par sa conduite dans la guerre contre les Étoliens, accrut de beaucoup sa réputation. Les Achéens voulaient livrer la bataille sur les confins de Mégare ; et Agis, roi de Lacédémone, qui était venu se joindre à eux avec son armée, les y excitait vivement. Aratus s’y opposa : il soutint les injures, les railleries, et s’entendit même taxer de mollesse et de lâcheté ; néanmoins, laissant de côté la crainte des vains reproches, il persista dans les sages mesures qu’il avait prises pour le bien public. Il se retira devant les ennemis, les laissa passer le mont Gérania[1] et entrer dans le Péloponnèse, sans leur opposer la moindre résistance. Mais, quand ceux-ci, en passant, se furent emparés de Pellène, alors il ne se montra plus le même : sans différer davantage, sans attendre que toutes ses forces fussent réunies, il marcha avec ce qu’il avait de soldats contre les ennemis, devenus plus faibles parce que leur victoire les avait rendus indisciplinés et insolents. Et en effet, ils ne furent pas plutôt entrés à Pellène, que les soldats se répandirent dans les maisons, où, se heurtant les uns les autres, ils finir par en venir aux mains entre eux pour le butin. Les capitaines et les officiers enlevaient les femmes et les filles des Pelléniens ; et, afin d’empêcher que d’autres ne les prissent, et pour qu’on reconnût à quels maîtres elles appartenaient, ils leurs mettaient leurs casques sur la tête. Pendant qu’ils commettaient ces violences, on vint tout à coup les avertir qu’Aratus arrivait. Saisis de frayeur à cette nouvelle, en se voyant surpris dans un tel désordre, ils n’étaient pas encore tous instruits du danger, que les premiers, ayant donné dans les Achéens

  1. Montagne de l’Attique.