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chemin qu’il pensa être celui qu’Aristippe avait pris pour s’enfuir ; et cette poursuite le conduisit jusqu’à Mycènes. Ce fut dans cette ville que le tyran fut pris, au rapport de Dinias, par un Crétois, nommé Tragiscus, qui l’égorgea. Il resta plus de quinze cents ennemis sur le champ de bataille.

Aratus, malgré cette éclatante victoire, et qui ne lui avait pas coûté un seul homme, ne put ni se rendre maître d’Argos, ni la remettre en liberté, parce qu’Agias et le jeune Aristomachus, y entrèrent avec les troupes du roi, et s’emparèrent de l’autorité. Mais, du moins, par ce glorieux succès, il fit taire la calomnie, et cesser les discours injurieux, les railleries insultantes de ceux qui, pour flatter les tyrans et leur complaire, allaient disant que les entrailles du général des Achéens se troublaient à l’approche d’une bataille ; que le son de la trompette lui causait des étourdissements et des vertiges ; et que, quand il avait rangé son armée en bataille et donné le mot d’ordre aux soldats, il demandait aux lieutenants et aux capitaines s’il ne pouvait, maintenant que le dé en était jeté, s’éloigner un peu pour attendre l’issue du combat. Et ces bruits s’étaient tellement accrédités, que les philosophes eux-mêmes, dans les écoles, recherchant si les battements de cœur et l’altération des traits, dans les circonstances périlleuses, sont des marques de timidité, ou si ce ne sont que les suites d’un défaut de constitution ou d’une froideur naturelle, ne manquaient jamais de citer l’exemple d’Aratus, qui était excellent général, mais à qui néanmoins arrivaient de semblables accidents au moment du combat.

Aratus, après la défaite et la mort d’Aristippe, chercha les moyens de détruire la tyrannie de Lysiadès, lequel avait asservi Mégalopolis, sa propre patrie. Ce Lysiadès n’avait pas le cœur bas ni insensible ; et ce n’était point, comme la plupart des tyrans, pour satisfaire son intempérance et son avarice, qu’il s’était porté à cette usurpa-