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Achéens, et fit célébrer dans cette ville des jeux néméens, pensant que, comme ces jeux tiraient de là leur origine, ils appartenaient bien plus à Cléones qu’à Argos[1]. Mais les Argiens les célébrèrent aussi dans leur ville ; et ce fut alors que, pour la première fois, on viola la sûreté et le droit de franchise dont avaient joui de tout temps ceux qui venaient combattre aux jeux : les Achéens firent vendre comme ennemis ceux des athlètes qui, au retour des jeux, repassèrent sur leurs terres. Tant était violente et implacable la haine qu’Aratus portait aux tyrans !

Peu de temps après, il fut informé qu’Aristippe épiait l’occasion de surprendre Cléones, mais qu’il était retenu par la peur, à cause de la présence d’Aratus à Corinthe. Aratus envoya de tous côtés des ordres pour rassembler les troupes ; puis, leur ayant fait prendre des vivres pour plusieurs jours, il descendit à Cenchrées, espérant, par cette ruse, provoquer Aristippe à attaquer en son absence les Cléonéens. Il ne fut pas trompé dans son attente ; car le tyran quitta incontinent Argos, et parut bientôt avec son armée devant Cléones. Mais Aratus, étant retourné à Corinthe à la nuit close, et ayant placé des gardes sur tous les chemins, se mit en marche à la tête des Achéens, qui le suivirent avec tant d’ordre, de bonne volonté et de diligence, que non-seulement ils ne furent point aperçus pendant la route, mais qu’ils entrèrent la nuit même dans Cléones, et se mirent en bataille avant que le tyran en eût été informé. Le lendemain, au point du jour, Aratus fait ouvrir les portes ; les trompettes donnent le signal du combat ; il fond sur les ennemis en poussant des cris de victoire, et les charge avec tant d’impétuosité, qu’il les met en fuite du premier choc. Il les poursuivit par le

  1. Cléones était située entre Corinthe et Argos, non loin de la forêt de Némée.