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ses forces, et fit aux Corinthiens, sur la ligue achéenne, un discours qui répondait bien à l’action qu’il venait de faire : il leur persuada de s’associer eux-mêmes à cette ligue, et leur rendit les clefs de la ville, qui n’étaient plus en leur pouvoir depuis la mort de Philippe. Quant aux officiers d’Antigonus, il mit en liberté Archélaüs, qu’il avait fait prisonnier, et fit mourir Théophraste, qui refusait de sortir de la ville. Pour Perséus, voyant la citadelle prise, il s’était sauvé à Cenchrées[1]. Quelque temps après, comme il disputait sur la philosophie, quelqu’un lui ayant dit que le sage seul pouvait être bon général : « Il est vrai, répondit Perséus, qu’autrefois j’ai fort approuvé cette maxime de Zénon ; mais, depuis la leçon que m’a donnée ce jeune Sicyonien, j’ai beaucoup changé de sentiment. » Ce mot de Perséus est rapporté par la plupart des historiens.

Aratus, en sortant de l’assemblée, alla se saisir du temple de Junon ainsi que du port de Léchéum[2], où, s’étant rendu maître de vingt-cinq vaisseaux du roi, il prit cinq cents chevaux et quatre cents Syriens, qu’il fit vendre à l’encan. Les Achéens restèrent en possession de la citadelle, et y mirent une garnison de quatre cents hommes avec cinquante chiens et autant de veneurs, entretenus dans la place. Les Romains, pleins d’admiration pour Philopœmen, l’appelèrent le dernier des Grecs, pour marquer que depuis lui la Grèce n’avait pas produit un homme d’un aussi grand mérite. Quant à moi, je dirais volontiers de cet exploit d’Aratus, que c’est le dernier qu’aient fait les Grecs, et qu’en audace et en bonheur, il ne le cède pas même aux plus éclatants. Les événements qui suivirent en sont la preuve ; car les Mégariens quit-

  1. D’après d’autres témoignages, Aratus l’aurait fait mourir. Cenchrées était un des ports de Corinthe.
  2. Autre port de Corinthe.