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raille, il a besoin d’un prompt secours. Aussitôt les soldats demandent à y être conduits ; et, en gravissant la montagne, ils poussent de grands cris pour annoncer leur approche et encourager leurs compagnons. La lune donnait en plein sur leurs armes, et les faisait paraître plus nombreux qu’ils n’étaient en effet, le long du chemin qu’ils montaient ; et le silence de la nuit, rendant les échos plus sensibles en renforçant leurs cris, donnait l’idée d’une troupe beaucoup plus considérable que n’était la leur. Enfin ils rejoignent Aratus : ils firent, tous ensemble, de tels efforts, qu’ils parvinrent à repousser les ennemis ; alors ils s’établirent sur la muraille, et furent maîtres de la citadelle au point du jour : de sorte que les premiers rayons du soleil éclairèrent leur victoire. En même temps, le reste des troupes étant arrivé de Sicyone, les Corinthiens ouvrirent les portes sans difficulté, et aidèrent même les soldats à faire la garnison prisonnière.

Quand Aratus eut assuré le succès de son entreprise, il descendit de la citadelle au théâtre, où le suivit une multitude innombrable, attirée par le désir de le voir, et d’entendre le discours qu’il allait faire aux Corinthiens. Après avoir rangé les Achéens en une double haie sur les avenues du théâtre, Aratus sortit tout armé du fond de la scène, et s’avança au milieu de l’assemblée. Son visage était extrêmement changé par les fatigues et les veilles, et son corps tellement abattu, que la joie et la fierté de son âme étaient comme affaissées. Dès qu’il parut, le peuple l’entoura en faisant éclater les témoignages de la plus vive affection ; et lui passant sa pique à la main droite, et fléchissant le genou, il s’appuya sur elle, et demeura longtemps dans cette attitude, recevant en silence les acclamations et les applaudissements de cette multitude, qui exaltait sa vertu et le félicitait de sa fortune. Quand ils eurent cessé, et que le calme fut rétabli, il recueillit