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livraient leurs villes, et les mettaient dans la plus honteuse dépendance. Mais, ce qui lui fut plus glorieux encore, c’est qu’il employa cet argent à apaiser les différends des pauvres avec les riches, à rétablir la concorde, et à rendre au peuple le repos et la sûreté. On ne peut trop admirer la modération dont il fit preuve dans une si grande puissance ; car, ayant été nommé seul arbitre absolu pour apaiser les querelles des bannis, il refusa un pouvoir aussi étendu, et s’adjoignit quinze des citoyens, avec lesquels il vint à bout, à grand’peine et après un long travail, de terminer toutes les dissensions, et de rétablir la paix et l’union dans la ville. En reconnaissance d’un aussi important service, non-seulement les citoyens lui décernèrent les honneurs qui lui étaient dus, mais les bannis en particulier lui érigèrent une statue de bronze, avec cette inscription en vers élégiaques :

Tes bons conseils, et tes combats, et la valeur, ont sauvé la Grèce ;
Et ton nom, ô héros, a retenti jusqu’aux colonnes d’Hercule
Nous t’avons dressé cette statue, Aratus, à notre retour de l’exil,
En l’honneur de ta vertu et de ta justice.
Sauveur des tiens, nous t’avons placé parmi les dieux sauveurs, parce qu’à ta patrie
Tu as donné des institutions sages, et qui font sa félicité.

Aratus, par ces belles actions, vainquit l’envie de ses concitoyens ; mais Antigonus, jaloux de sa gloire, et qui voulait, ou l’attirer à son parti, ou le rendre suspect à Ptolémée, lui donna des marques singulières d’affection, quoique Aratus ne les eût pas recherchées. Une fois, entre autres, ayant fait un sacrifice dans Corinthe, il lui envoya à Sicyone des portions de la victime ; et, pendant le festin, où les convives étaient nombreux, il dit tout haut : « Je croyais que ce jeune Sicyonien n’avait qu’une franchise généreuse, et n’aimait que la liberté de sa