traits des tyrans, il fut longtemps indécis s’il ferait ôter ou non celui d’Aristratus, lequel avait régné du temps de Philippe. Cette peinture était l’œuvre des élèves de Mélanthus : ils avaient représenté le tyran debout sur un char de victoire ; et Apelles lui-même, au rapport de Polémon le géographe[1], y avait mis la main. Le tableau était admirable : Aratus, qui était sensible à la beauté de l’art, voulut d’abord le conserver ; mais bientôt la haine qu’il portait aux tyrans l’emporta, et il le fit enlever. Le peintre Néalcès, qui était son ami, lui demanda avec larmes la grâce de ce tableau ; et comme Aratus la lui refusait : « Faisons la guerre aux tyrans, lui dit Néalcès, et non à leurs monuments ; épargnons le char de victoire, et je ferai disparaître Aristratus du tableau. » Aratus y ayant consenti, Néalcès effaça la figure d’Aristratus, et mit une palme à la place, sans oser y ajouter autre chose ; mais on dit que les pieds du tyran demeurèrent cachés au fond du char.
L’envoi de ces tableaux, ainsi que je l’ai dit, avait acquis à Aratus la bienveillance de Ptolémée ; mais, après que le roi eut goûté les charmes de sa conversation, il l’aima bien davantage encore, et lui donna pour sa ville cent cinquante talents[2]. Aratus en emporta d’abord quarante[3], en retournant dans le Péloponnèse ; et le roi partagea le reste en plusieurs paiements, qu’il lui envoya aux termes fixés. C’était pour Aratus une grande gloire d’avoir su procurer à ses concitoyens une somme d’argent aussi considérable, tandis que la plupart des capitaines et des chefs du peuple, pour de bien moindres sommes qu’ils recevaient des rois, violaient toute justice,