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Aratus rappela tous ceux qui avaient été bannis par Nicoclès, et qui étaient au nombre de quatre-vingts, ainsi que ceux qui l’avaient été par les autres tyrans, lesquels n’étaient pas moins de cinq cents. Ces derniers, après avoir erré loin de leur patrie pendant près de cinquante ans, revenaient pour la plupart dans une extrême misère : ils se remirent aussitôt en possession de leurs maisons, de leurs terres, et de tous les biens qu’ils avaient avant leur exil ; ce qui jeta Aratus dans un grand embarras. D’un côté, il voyait Antigonus porter un œil d’envie sur Sicyone, depuis qu’elle était libre, et épiant l’occasion de s’en emparer ; de l’autre, la ville en proie aux troubles et aux séditions. Il prit donc le meilleur parti que put lui suggérer la conjoncture présente : il associa Sicyone à la ligue des Achéens. Comme les Sicyoniens étaient d’origine dorienne, ils adoptèrent sans peine le nom et le gouvernement des Achéens, lesquels n’avaient alors ni beaucoup de considération, ni une grande puissance. Ils n’occupaient pour la plupart que de petites villes ; leur territoire était mauvais et peu fertile ; la côte qu’ils habitaient était sans ports, et bordée de rochers, entre lesquels la mer pénétrait dans le continent[1]. Mais, malgré cet état de faiblesse, ils tirent voir, mieux qu’aucun autre peuple, que la force des Grecs est invincible, lorsqu’elle est dirigée par un général habile, qui sait faire observer une exacte discipline aux soldats, et les maintenir dans la concorde. Car les Achéens, qui n’étaient qu’une portion nulle, pour ainsi dire, de ces Grecs si florissants autrefois, et qui tous ensemble n’avaient pas alors la puissance d’une ville un peu considérable, vinrent à bout, par leur docilité aux bons conseils, en conservant l’union entre eux, en écoutant et en suivant, sans aucun sentiment d’en-

  1. L’Achaïe s’étendait le long de la côte occidentale du Péloponnèse.