Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en sois dépouillé : il peut vivre heureux dans une condition privée, sans que personne y mette obstacle ; tandis que toi, après avoir été déclaré roi, il faut ou que tu règnes, ou que tu meures. » Alors se vérifia le mot de Sophocle[1] :

La persuasion du mal chemine d’un pas rapide.


Car le chemin est doux et uni, qui conduit les hommes à ce qu’ils désirent ; et la plupart veulent le mal par ignorance ou inexpérience du bien. Outre cela, l’étendue de l’empire, et la crainte que Darius avait de son frère, fournirent à Tiribaze de puissantes raisons ; et la déesse de Cypre n’influa pas peu sur le ressentiment de Darius[2], par l’enlèvement d’Aspasie.

Darius s’abandonna donc entièrement à la conduite de Tiribaze : déjà un grand nombre de conjurés avaient été gagnés par cet homme, lorsqu’un eunuque découvrit au roi la conspiration, et la manière dont elle devait s’exécuter, car il savait que les complices se proposaient d’entrer la nuit dans l’appartement d’Artaxerxès, et de le tuer dans son lit. Le roi pensa que ce serait une imprudence de mépriser un tel danger en négligeant cette dénonciation ; mais il crut néanmoins que l’imprudence serait plus grande encore d’y ajouter foi sans preuves. Pour s’assurer du fait, il commanda à l’eunuque de s’attacher aux pas des conjurés, et de ne les pas perdre de vue ; puis il fit percer une porte dans le mur de sa chambre, derrière le lit, et la couvrit d’une tapisserie.

À l’heure indiquée par l’eunuque, il attendit sur son lit que les conjurés arrivassent, et ne se leva qu’après les

  1. Dans quelqu’une de ses pièces aujourd’hui perdues.
  2. Les expressions poétiques dont se sert ici Plutarque ont fait soupçonner qu’il citait encore un poëte, peut-être Sophocle, qu’il vient déjà de citer.