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partout, et dont il prenait le lait ; un lit, des couvertures, et des valets de chambre pour faire ce lit, parce que les Grecs s’y entendaient mal ; enfin, des esclaves pour porter sa litière jusqu’à la mer, à cause de son état de souffrance. Tant que Timagoras fut à la cour, Artaxerxès lui entretint une table bien servie ; et un jour, Ostanès, frère du roi, lui dit : « Timagoras, souviens-toi de cette table ; car ce n’est pas pour rien qu’elle est si splendidement servie. » Voulant, par ces mots, moins exciter sa reconnaissance, que lui reprocher sa trahison. Timagoras fut condamné à mort par les Athéniens pour avoir reçu de l’argent du roi.

Artaxerxès fit une chose qui consola les Grecs de tous les déplaisirs qu’il leur avait causés : il fit mourir Tisapherne, leur ennemi déclaré, et le plus implacable qu’ils eussent. Parysatis ne contribua pas peu à sa mort, en aggravant encore les charges qui pesaient sur lui. Car le roi n’avait pas conservé longtemps son ressentiment contre sa mère : il s’était réconcilié avec elle, et l’avait rappelée à sa cour, parce qu’il reconnaissait en elle un grand sens et un esprit capable de gouverner ; d’ailleurs il n’y avait plus de motif pour les empêcher de bien vivre ensemble, et pour raviver leurs soupçons et leurs chagrins. Dès ce moment, elle chercha à lui complaire en tout, et à ne trouver mauvais rien de ce qu’il faisait. Par cette conduite, elle s’acquit sur l’esprit du roi le plus grand crédit, et obtint de lui tout ce qu’elle voulut. Elle s’aperçut qu’il était passionnément amoureux d’une de ses propres filles, nommée Atossa : il cachait et déguisait cette passion avec soin, à cause de sa mère, quoique quelques auteurs disent qu’il avait déjà eu avec Atossa un commerce secret. Dès que Parysatis eut découvert sa passion, elle témoigna à la jeune fille plus d’amitié que de coutume : sans cesse elle vantait à Artaxerxès sa beauté et l’élévation de son caractère, qui la rendaient digne d’être reine ;