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« Que la Grèce est malheureuse de voir les Lacédémoniens persiser ! — Dis plutôt que ce sont les Perses qui laconisent, » répondit Agésilas. La fierté de cette réponse n’effaça point pourtant la honte de cette action ; car, bientôt après, la défaite de Leuctres enleva aux Spartiates la prééminence qu’ils avaient eue jusqu’alors sur la Grèce, de même que la paix avait éclipsé leur gloire. Tant que Sparte tint le premier rang dans la Grèce, Artaxerxès donna à Antalcidas le nom d’hôte et d’ami ; mais, quand la déroute de Leuctres eut réduit les Spartiates à une extrême faiblesse ; quand le besoin d’argent les eut obligés d’envoyer Agésilas en Égypte, et qu’Antalcidas revint auprès de lui pour le prier de secourir les Lacédémoniens, il n’eut aucun égard à sa demande, et lui témoigna même un tel mépris, qu’Antalcidas, chassé de sa cour, retourna honteusement à Sparte, où, devenu le jouet de ses ennemis, et redoutant l’indignation des éphores, il se laissa mourir de faim.

Isménias le Thébain, et Pélopidas, lequel avait déjà gagné la bataille de Leuctres[1] allèrent aussi à la cour d’Artaxerxès. Pélopidas n’y fit rien de bas ni de honteux ; mais Isménias, à qui l’on ordonna d’adorer le roi, ayant laissé tomber son anneau à ses pieds, et s’étant baissé pour le ramasser, parut dans la posture d’un homme qui adore. Timagoras l’Athénien, qui était aussi à cette cour, écrivit un jour au roi pour lui donner quelque avis secret : il lui fit passer sa lettre par un secrétaire nomme Béluris ; et Artaxerxès, par reconnaissance, lui envoya mille dariques. Timagoras étant indisposé, le roi lui envoya en outre quatre-vingts vaches, qui le suivirent

  1. Pélopidas ne l’avait pas remportée seul, tant s’en faut ; et la principale gloire en revient à Épaminondas, qui commandait en chef.