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compagnèrent la mort de Statira ne lui laissèrent nul doute sur la cause de son mal, et donnèrent au roi des soupçons contre sa mère, dont il connaissait le caractère cruel et vindicatif. Pour s’en assurer, il fit arrêter et torturer tous les officiers et les domestiques de sa mère. Longtemps Parysatis retint Gigis renfermée dans son appartement, sans vouloir jamais la livrer au roi. Mais, cette femme ayant prié Parysatis de la laisser aller nuitamment dans sa maison, Artaxerxès en fut averti, et plaça des gardes sur son chemin. Ils l’enlevèrent, et elle fut condamnée au supplice dont les lois des Perses punissent les empoisonneurs : on leur met la tête sur une large pierre, et avec une autre pierre on frappe, jusqu’à ce que la tête soit écrasée et le visage aplati. Gigis subit donc ce supplice. Quant à Parysatis, le roi ne lui dit ni ne lui fit d’autre mal, sinon qu’il la relégua à Babylone, lieu qu’elle avait choisi elle-même pour son exil : il jura que, tant qu’elle y serait, il ne verrait jamais cette ville. Telle était la situation des affaires domestiques d’Artaxerxès.

Le roi n’avait pas moins désiré d’avoir en sa puissance les troupes grecques qui avaient combattu pour Cyrus, que de vaincre Cyrus lui-même et de conserver son royaume ; mais il n’y put parvenir : après avoir perdu Cyrus, leur général et les autres chefs qui les commandaient, les Grecs se sauvèrent, pour ainsi dire, du fond de son palais, après avoir, par leur propre expérience, démontré à la Grèce entière que toute la grandeur des Perses et de leur roi consistait en or, en luxe et en femmes, et que tout le reste n’était que faste et ostentation. Aussi la Grèce en conçut autant de confiance en ses propres forces que de mépris pour les Barbares : les Lacédémoniens, en particulier, sentirent qu’ils ne pourraient sans honte laisser plus longtemps les Grecs d’Asie dans la servitude des Perses, et qu’ils devaient, sans plus tarder, mettre fin aux outrages dont on les accablait. Ils