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tombeau, autour duquel crurent quelques palmiers, qui bientôt formèrent en ce lieu un bois agréable et touffu ; ce qui fit vivement repentir le roi d’avoir fait mourir un homme chéri des dieux.

Parysatis n’eut donc d’autre motif d’empoisonner Statira que la haine et la jalousie qu’elle avait conçues depuis longtemps contre elle, parce qu’elle voyait que son crédit auprès du roi ne venait que du respect filial qu’il conservait encore pour elle, tandis que celui de Statira, procédant de l’amour et de la confiance de son mari, était mieux fondé et inébranlable. Voilà ce qui lui fit exécuter un si hasardeux dessein, sentant qu’il y allait de tout pour elle à se défaire de sa rivale.

Elle avait à son service une femme nommée Gigis, en qui elle avait une entière confiance, et qui pouvait tout sur elle : cette femme fut, au rapport de Dinon, l’instrument de son crime ; mais, suivant Ctésias, Gigis fut seulement dans le secret, et malgré elle. Celui qui donna le poison, Ctésias le nomme Bélitaras ; il est appelé Mélantas par Dinon. Les deux reines s’étaient réconciliées en apparence, et semblaient avoir oublié leurs querelles et leurs soupçons : elles se visitaient, et mangeaient ensemble ; mais, étant mutuellement dans la crainte, elles se tenaient sur leurs gardes, et ne mangeaient que des mêmes mets et des mêmes morceaux. Il y a en Perse un petit oiseau qui n’a nuls excréments, et dont les intestins sont remplis de graisse, ce qui fait croire qu’il ne se nourrit que de vent et de rosée : on l’appelle rhyntacès. Ctésias dit que Parysatis prit un de ces oiseaux, qu’elle coupa par le milieu avec un couteau frotté de poison d’un côté ; qu’elle mangea le côté sain, et donna celui qui était empoisonné à Statira. Suivant Dinon, ce fut non Parysatis, mais Mélantas, qui coupa les viandes et mit devant Statira celles que le poison avait infectées. Les douleurs aiguës et les convulsions violentes qui ac-