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ci, de façon que la tête, les mains et les pieds débordent, et que le reste du corps soit bien enfermé. En cet état, on donne à manger au patient : s’il refuse la nourriture, on le contraint de la prendre, en lui enfonçant des alênes dans les yeux ; on lui fait boire du miel détrempé dans du lait, qu’on verse non-seulement dans sa bouche, mais encore sur son visage ; et on lui tient les yeux continuellement tournés vers le soleil, en sorte que son visage est toujours couvert de mouches. Obligé de satisfaire dans cette auge à toutes les nécessités qui sont les suites de la nourriture et de la boisson, la corruption et la pourriture dans lesquelles il est plongé engendrent une prodigieuse quantité de vers, qui rongent son corps et pénètrent jusque dans les viscères. Quand le patient a succombé, on lève l’auge supérieure, et on trouve ses chairs mangées par cette vermine, qui est attachée par essaims à ses entrailles, et qui les ronge encore. Après avoir langui dans ces tourments pendant dix-sept jours, Mithridate mourut enfin à grand’peine au bout de ce temps.

Il restait à Parysatis, pour consommer sa vengeance, à faire périr l’eunuque du roi, Mésabatès, qui avait coupé la tête et la main de Cyrus ; mais, comme il ne donnait aucune prise sur lui, elle tendit un piège au roi. C’était une femme adroite, et qui jouait aux dés parfaitement. Avant la guerre, elle y jouait souvent avec le roi ; la guerre terminée, et rentrée en grâce auprès de lui, elle y jouait de nouveau, et le servait même dans ses amours, dont il ne lui faisait aucun mystère. Elle le quittait rarement, laissant à peine à Statira le temps de le voir, et de s’entretenir avec lui ; car, outre qu’elle lui portait une implacable haine, elle voulait encore s’assurer le principal crédit auprès d’Artaxerxès. Un jour donc, voyant le roi sans affaires et disposé à s’amuser, elle lui proposa de jouer ensemble mille dariques. Il accepta : à dessein elle