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Artaxerxès satisfit à sa requête, et lui fit dire : « Le roi te donne ce présent, parce que, le second, tu lui as annoncé la bonne nouvelle ; car Artasyras lui a le premier appris la mort de Cyrus, et toi ensuite. »

Mithridate se retira fort affligé, mais sans se plaindre ; quant au malheureux Carien, victime de sa sottise, il se laissa aller à une passion trop ordinaire aux hommes. Corrompu sans doute par sa nouvelle fortune, il se persuada qu’il pouvait aspirer à des choses plus élevées et au-dessus de son état, et ne voulut pas recevoir les présents du roi comme une récompense de la bonne nouvelle qu’il lui avait apportée : il protesta hautement, dans un accès de colère, que nul autre que lui n’avait tué Cyrus, et qu’on lui en enlevait injustement la gloire. Irrité de ses plaintes, le roi ordonna qu’on lui tranchât la tête ; mais la reine Parysatis, qui était présente, lui dit : « Seigneur, ne punis pas de la sorte ce misérable Carien ; laisse-moi tirer vengeance de l’action dont il a l’audace de se vanter. » Le roi le lui abandonna : elle le fit alors saisir par les bourreaux, et leur ordonna de le torturer pendant dix jours, ensuite de lui arracher les yeux et de lui verser de l’airain fondu dans les oreilles, jusqu’à ce qu’il expirât dans ce supplice horrible.

Peu de temps après, Mithridate se perdit également par son imprudence. Invité à un festin où se trouvaient les eunuques du roi et ceux de Parysatis sa mère, il s’y rendit paré de la robe et des joyaux dont lui avait fait présent Artaxerxès. À la fin du repas, quand on se fut mis à boire, le plus considérable des eunuques de Parysatis dit à Mithridate : « Quelle belle robe le roi t’a donnée, Mithridate ! quels bracelets ! quels colliers ! quel riche cimeterre ! Il n’est personne qui ne t’admire, et n’envie ton bonheur. » Déjà échauffé par le vin, Mithridate répondit : « Eh ! qu’est-ce que cela, mon cher Sparamixès ? à la bataille, je me montrerai digne de plus