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en spectacles, en festins, en brigues pour les charges, en bâtiments, avaient vu passer leurs biens dans les mains d’hommes abjects et méprisables. C’était au point qu’il ne fallait plus, pour renverser le gouvernement malade, qu’une légère impulsion du premier audacieux venu. Quoi qu’il en soit, Catilina, pour assurer à son entreprise un point d’appui solide et ferme, se mit sur les rangs pour le consulat. Il fondait ses plus grandes espérances sur le collègue qu’il se flattait d’avoir : c’était Caïus Antonius, homme incapable par lui-même d’être chef d’aucun parti bon ou mauvais, mais qui deviendrait un appoint de force pour un collègue énergique. Les citoyens honnêtes, prévoyant le danger qui menaçait la république, portèrent Cicéron au consulat, presque tout d’une voix ; le peuple les seconda avec ardeur ; Catilina fut rejeté, et Cicéron nommé consul avec Antonius. De tous les candidats, Cicéron était pourtant le seul né d’un père simple chevalier, et non point sénateur.

Le peuple ignorait encore les complots de Catilina. Cicéron, dès son entrée dans le consulat, fut assailli d’affaires difficiles : c’était le prélude des combats qu’il lui fallut livrer dans la suite. D’un côté, ceux que les lois de Sylla avaient exclus des magistratures, et qui formaient un parti puissant et nombreux, se présentèrent pour briguer les charges : dans leurs discours au peuple, ils s’élevaient, avec autant de justice que de vérité, contre les actes tyranniques de Sylla ; mais ils prenaient mal leur temps pour faire des changements dans la république. D’un autre côté, les tribuns du peuple proposaient des lois qui l’eussent bouleversée non moins sûrement : ils demandaient l’établissement de dix commissaires revêtus d’un pouvoir absolu, et qui, disposant en maîtres de l’Italie, de la Syrie et des nouvelles conquêtes de Pompée, auraient le pouvoir de vendre les terres publiques,