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signe mensonge. Xénophon n’ignorait nullement que Ctésias était attaché à la personne du roi : il fait mention de lui dans son histoire. Il n’est donc pas croyable que, si Artaxerxès eût envoyé Ctésias vers les Grecs pour leur faire de si importantes propositions, Xénophon n’en eût rien dit, et n’eût parlé que de Phayllus. Mais Ctésias, à en juger par son histoire, ne manquait pas d’ambition, et il était du reste fort partial pour les Lacédémoniens, et fort ami de Cléarque : dans ses récits, il se fait figurer avec honneur, et il ménage les occasions pour parler avantageusement de Cléarque et de Lacédémone.

Après la bataille, Artaxerxès envoya de magnifiques présents au fils d’Artagersès, dont le père avait été tué par Cyrus, et récompensa Ctésias et ses autres officiers avec une égale libéralité. Il découvrit le Caunien qui lui avait donné son outre d’eau ; et, de pauvre et d’obscur qu’il était, il le rendit riche et puissant. Il montra beaucoup de modération dans la punition des coupables. Un Mède, nomme Arbacès, avait passé pendant le combat dans l’armée de Cyrus, et après la mort de Cyrus il était revenu dans celle du roi, attribuant sa désertion bien plus à la crainte et à la lâcheté, qu’à la perfidie et à la trahison : Artaxerxès le condamna à se promener pendant une journée sur la place publique, portant une courtisane nue sur ses épaules. Un autre qui, non content d’avoir déserté, s’était vanté encore d’avoir tué deux ennemis, eut, par ordre du roi, la langue percée de trois coups d’alène. Persuadé qu’il avait tué Cyrus, et voulant que tout le monde le crût et le dît, Artaxerxès envoya des présents à Mithridate, qui le premier l’avait blessé, et commanda à ceux qui les lui portèrent de lui dire : « Le roi t’honore de ces présents, parce que tu lui as apporté la housse du cheval de Cyrus, que tu avais trouvée. » Le Carien qui avait fait tomber Cyrus en lui coupant le jarret, ayant demandé un présent,