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d’ardeur que le peuple pour le porter au consulat. L’intérêt public réunit, dans cette occasion, tous les esprits[1] ; et voici pour quelle raison. Les changements opérés par Sylla dans le gouvernement, qui d’abord avaient paru fort étranges, semblaient, par un effet du temps et de l’habitude, avoir pris une sorte de stabilité, et ne plus tant déplaire à la multitude. Mais des hommes animés par une cupidité particulière, et non par des vues du bien général, cherchaient à remuer, à renverser l’état présent des choses. Pompée était encore occupé à faire la guerre aux rois de Pont et d’Arménie ; et personne à Rome n’avait assez de puissance pour tenir tête aux factieux. Leur chef était Lucius Catilina, homme audacieux et entreprenant, et d’un caractère qui savait se prêter à toutes les conjonctures. À tous les forfaits dont on l’accusait de s’être souillé, il avait ajouté l’inceste avec sa propre fille, et le meurtre de son frère. Craignant qu’on ne le traduisît en justice pour ce dernier crime, il avait engagé Sylla à mettre ce frère au nombre des proscrits, comme s’il eût encore été en vie. Les scélérats de Rome se rallièrent autour de ce chef ; et, non contents de s’être engagé mutuellement leur foi par les serments ordinaires, ils égorgèrent un homme, et mangèrent tous de sa chair.

Catilina avait corrompu une grande partie de la jeunesse de Rome, en lui prodiguant tous les jours festins, plaisirs, banquets, amours de femmes, et en n’épargnant rien pour fournir à cette dépense. Déjà toute l’Étrurie et la plupart des peuples de la Gaule cisalpine étaient disposés à la révolte ; et Rome était menacée d’un bouleversement, à cause de l’inégalité qu’avait mise dans les fortunes la ruine des citoyens les plus distingués par leur naissance et par leur courage, qui, consumant leurs richesses

  1. Salluste fait la même observation.