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grande peut-on avoir de ses richesses que ces nombreuses troupes étrangères qu’il entretenait, au rapport de Xénophon[1] et qu’il soudoyait en différents lieux par l’entremise de ses amis et de ses hôtes ? Afin de cacher ses préparatifs, il avait soin de ne pas laisser toutes ses troupes ensemble : il avait dans plusieurs endroits des personnes sûres, qui, sous divers prétextes, levaient pour lui des soldats étrangers ; et Parysatis, qui demeurait auprès d’Artaxerxès, éloignait tous les soupçons qu’il pouvait concevoir contre son frère, pendant que Cyrus lui-même écrivait au roi avec beaucoup de soumission, soit pour demander quelque grâce, ou pour incriminer Tisapherne, et faire croire à Artaxerxès que sa haine et sa jalousie n’avaient pour objet que ce satrape. Du reste, il y avait dans le caractère du roi une pesanteur et une paresse naturelles, que la plupart prenaient pour une marque de douceur et d’humanité. À la vérité il voulut, au commencement de son règne, imiter le premier Artaxerxès, dont il portait le nom : doux et affable à ceux qui l’approchaient, il était magnifique dans les récompenses qu’il accordait au mérite ; modéré dans les punitions qu’il infligeait, il en retranchait toujours l’outrage et l’insulte : il acceptait les présents qui lui étaient offerts avec une joie égale à celle de ceux qui les lui faisaient, et même de ceux qui en recevaient de lui ; et il accompagnait ses dons de manières si gracieuses, que son humanité et sa bienfaisance perçaient à travers. La moindre chose qu’on lui présentait était reçue par lui avec plaisir ; et, Romisès lui ayant offert un jour une grenade d’une prodigieuse grosseur : « Par Mithrès ! s’écria-t-il, si on confiait une petite ville à cet homme, il serait capable de la rendre très-grande. »

  1. Au commencement du premier livre de l’Anabasis, ou expédition de Cyrus.