Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/508

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voya dans l’île de Thasos, de peur que la vue de ses funérailles ne causât du trouble dans le camp. Cela fait, il assembla les soldats, les consola, et, pour les dédommager de la perte de leurs effets les plus nécessaires, qui avaient été pillés, il leur promit à chacun deux mille drachmes[1]. Cette promesse leur rendit le courage : ils admirèrent une telle générosité ; et, quand Brutus les quitta, ils l’accompagnèrent de leurs acclamations, en lui rendant ce glorieux témoignage, qu’il était le seul des quatre généraux qui n’eût pas été vaincu. Et en effet, ses actions firent voir clairement que ce n’était pas sans raison qu’il avait espéré de vaincre ; car, avec le peu de légions qu’il commandait, il renversa tous ceux qui lui firent tête ; et, si dans la bataille il eût pu les mettre à l’œuvre toutes, si la plus grande partie de son aile n’eût pas outrepassé les ennemis pour aller piller leur bagage, il est hors de doute qu’il ne serait pas demeuré un seul de leurs différents corps qui n’eût été défait. Il resta, du côté de Brutus, huit mille hommes sur le champ de bataille, y compris les valets des soldats, que Brutus appelait Briges[2] (51) ; et l’armée des ennemis, suivant Messala, en perdit plus du double.

Une perte si considérable avait jeté ceux-ci dans le découragement ; mais, un des esclaves de Cassius, nomme Démétrius, étant arrivé le soir même au camp d’Antoine avec la robe et l’épée de son maître, cette vue les ranima tellement, que le lendemain, dès le point du jour, ils présentèrent la bataille. Mais Brutus voyait ses deux camps dans une agitation dangereuse : le sien était rempli de prisonniers, qui demandaient la surveillance la plus

  1. Environ dix-huit cents francs de notre monnaie.
  2. Ce nom est une altération de celui de Phryges, Phrygieus : c’étaient des esclaves tirés, la plupart, de l’Asie Mineure, et auxquels on donnait la liberté, pour les employer aux bas offices dans le » armées.