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par le nombre de ces troupes et par leur armure, ce ne devaient pas être celles qu’on avait laissées pour le garder : ils ajoutaient cependant qu’on ne voyait point au delà autant de morts qu’il devrait naturellement y en avoir, si tant de légions eussent été défaites.

Toutes ces choses firent soupçonner à Brutus le désastre de l’aile gauche. Laissant donc une garde suffisante dans le camp des ennemis, il rappela ceux qui poursuivaient les fuyards, et les rallia pour marcher au secours de Cassius. Or, voici comment les choses s’étaient passées de son côté. Quand les troupes de Brutus, sans attendre ni le mot du guet ni l’ordre de l’attaque, fondirent avec impétuosité sur les ennemis, ce fut pour Cassius un sujet de peine ; mais il fut non moins mécontent quand il vit que, s’étant emparées du camp de César, elles ne songeaient qu’à le piller, et négligeaient d’envelopper les ennemis. En considérant ainsi les fautes des autres, il perdit un temps considérable ; et ce fut là, plus encore que la diligence et l’habileté des généraux, ce qui donna à l’aile droite de César la facilité de l’envelopper lui-même. En même temps sa cavalerie se débanda, et prit la fuite vers la mer. Voyant l’infanterie se préparer à suivre cet exemple, il fit tous ses efforts pour la retenir et la rallier : il prit l’enseigne d’un des officiers qui fuyaient, et la planta à terre à ses pieds ; mais cela ne put pas même empêcher ses propres gardes de l’abandonner. Forcé alors de s’éloigner, il se retira, avec un très-petit nombre de gens, sur une éminence d’où l’on découvrait toute la plaine. Mais il ne pouvait voir lui-même ce qui se passait : il avait la vue si faible, qu’il apercevait à peine le pillage de son camp. Ceux qui étaient avec lui découvrirent un gros de cavalerie qui s’avançait : c’était celle que Brutus lui envoyait ; mais Cassius la prit pour celle des ennemis, et se crut poursuivi. Il ne laissa pas pourtant de dépêcher un de ses of-