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confiance, non-seulement dans cette multitude d’armes, de chevaux et de navires, mais encore dans le secours des dieux, qui ne manqueraient pas d’assister les chefs de la plus sainte et de la plus belle des entreprises. » Telles furent les raisons que Cassius allégua pour calmer Brutus. Comme l’armée commençait à se mettre en marche, deux aigles, fondant ensemble du haut des airs, vinrent s’abattre sur les premières enseignes : nourris par les soldats, ils accompagnèrent l’armée jusqu’à Philippes, où ils s’envolèrent, la veille de la bataille.

Brutus avait déjà soumis la plupart des peuples voisins ; et, s’il restait encore quelques villes ou quelques princes à subjuguer, Cassius et lui achevèrent alors de les réduire, et se rendirent maîtres de tout le pays jusqu’à la mer de Thasos[1]. Là, ayant surpris Norbanus, qui était campé dans un lieu appelé les Détroits, près du mont Symbolum[2], ils l’enveloppèrent, et le forcèrent d’abandonner ce poste : peu s’en fallut même qu’ils ne lui enlevassent toute son armée ; car César n’avait pu le suivre, retenu qu’il était par une maladie ; mais Antoine vint à propos à son secours, ayant fait pour cela une telle diligence, que Brutus ne pouvait y croire. César arriva dix jours après, et alla camper vis-à-vis de Brutus, et Antoine en face de Cassius. L’espace qui séparait les deux camps est appelé par les Romains la plaine de Philippes[3]. Jamais on n’avait vu deux armées romaines aussi considérables en présence l’une de l’autre. Celle de Brutus était de beaucoup inférieure en nombre à celle de César ; mais elle l’emportait par l’éclat et la magnificence des armes, dont la plupart étaient d’or ou d’argent. Il avait

  1. Île de la mer Égée, à peu de distance de la Thrace.
  2. Une des ramifications du mont Pangée.
  3. Plutarque donne le nom latin lui-même : κάμπους Φιλίππους, campos Philippos.