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proquement beaucoup de plaintes et de reproches. C’est pourquoi, dès leur arrivée à Sardes, ils se retirèrent tous deux dans une chambre, fermèrent les portes sur eux, et là, sans autres témoins, ils exposèrent d’abord leurs griefs respectifs ; puis ils passèrent aux reproches, aux accusations, aux larmes même, et enfin à de violents outrages. Leurs amis, qui les entendaient du dehors, étonnés de cet emportement, et du ton de colère avec lequel ils se parlaient, craignirent qu’ils ne se portassent à quelque extrémité fâcheuse ; mais l’entrée de la chambre leur était interdite. Toutefois Marcus Favonius, ce zélateur de Caton, qui pratiquait la philosophie, moins par le choix de sa raison que par une sorte d’impétuosité et de fureur, se présenta à la porte : les domestiques la lui refusèrent ; mais ce n’était pas chose aisée à faire que de retenir Favonius, quoi qu’il désirât, car il était violent et précipité en tout. Il ne tenait aucun compte de sa dignité sénatoriale : il se faisait même un plaisir de la ravaler par une liberté de parler qui tenait du cynisme ; mais la plupart des gens ne faisaient que rire et plaisanter des invectives toujours déplacées qu’il se permettait. Forçant donc ceux qui gardaient la porte, il entra dans la chambre ; puis, contrefaisant sa voix, il prononça les vers de Nestor dans Homère[1] :

Écoutez mes avis ; vous êtes tous deux plus jeunes que moi ;


et le reste. Cassius ne fit que rire de cette apostrophe ; mais Brutus, le prenant par les épaules, le mit dehors, l’appelant franc chien et faux cynique. Cependant ils ne poussèrent pas plus loin leur contestation, et se retirèrent. Cassius donna, le soir même, un souper où Brutus se trouva avec ses amis, qu’il y amena. Comme

  1. Iliade, I, 259.