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infanterie et d’une cavalerie nombreuses, comme aussi de l’argent nécessaire pour l’entretien de leurs troupes ; en somme, ils étaient en état de disputer, à main armée, l’empire à leurs ennemis.

Cassius désirait rendre à Brutus autant d’honneur qu’il en recevait de lui ; mais Brutus le prévenait presque toujours, et allait le plus souvent le premier chez lui, ayant égard à son âge et à la faiblesse de son tempérament, qui ne lui permettait pas de soutenir la fatigue. Cassius passait pour un habile homme de guerre ; mais il était violent, et ne savait gouverner que par la crainte : au milieu de ses amis il aimait à railler, et se livrait à la plaisanterie avec excès. Quant à Brutus, il était aimé du peuple pour sa vertu, chéri de ses amis, admiré des gens de bien, et n’était haï de personne, pas même de ses ennemis : ce qu’il devait à son extrême douceur, à l’élévation peu commune de son esprit, et à sa fermeté d’âme, qui le rendait supérieur à la colère, à l’avarice et à la volupté. Toujours droit dans ses jugements, il ne fléchissait jamais dans son attachement à tout ce qui lui semblait juste et honnête ; et il se concilia surtout la bienveillance et l’estime publiques par la confiance qu’on avait en la pureté de ses intentions. Personne n’osait se flatter que Pompée, le grand Pompée lui-même, s’il eût vaincu César, eût voulu soumettre sa puissance aux lois : on était persuadé, au contraire, qu’il retiendrait en ses mains l’autorité souveraine, sous le nom de consul, ou de dictateur, ou de quelque autre magistrature plus douce. Quant à Cassius, homme emporté et colère, et que l’intérêt entraînait souvent hors des voies de la justice, on était convaincu que, s’il faisait la guerre, s’il courait de pays en pays, et s’il s’exposait ainsi à tant et de si grands dangers, c’était bien moins pour rendre la liberté à ses concitoyens que pour s’assurer à lui-même une haute puissance.

Que si nous remontons à des temps antérieurs, les