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dont la ville n’avait nul besoin. Mais ensuite, voyant le Sénat, que sa conduite indisposait, tourner au dehors les yeux sur Brutus, lui confirmer ses anciens gouvernements et lui en décerner de nouveaux, alors il commença à craindre lui-même, et rechercha l’amitié d’Antoine. En même temps il investit Rome de troupes, et se fit donner le consulat, quoiqu’il eût à peine atteint l’âge de l’adolescence ; car il n’était que dans sa vingtième année, comme il l’écrit lui-même dans ses Mémoires. Il appela aussitôt en justice Brutus et ses complices, comme coupables du meurtre du premier et du plus grand personnage de Rome par ses dignités. Il nomma Lucius Cornificius pour accusateur de Brutus, et Marcus Agrippa pour accusateur de Cassius. Et, comme les accusés ne comparurent point, César força les juges de les condamner par contumace. Lorsque le héraut, suivant l’usage, appela Brutus du haut de la tribune, l’ajournant à comparaître, le peuple gémit, dit-on, hautement ; et les plus gens de bien baissèrent la tête et gardèrent un profond silence : on vit même Publius Silicius verser des larmes, ce qui le fit mettre, dans la suite, au nombre des proscrits. Enfin César, Antoine et Lépidus se réconcilièrent, partagèrent entre eux les provinces, et proscrivirent deux cents citoyens, dont ils mirent la tête à prix : Cicéron fut une des victimes.

Ces nouvelles ayant donc été portées en Macédoine, Brutus fit céder sa douceur à tant de cruauté : il écrivit à Hortensius de faire mourir Caïus Antonius, par représailles de la mort de Brutus et de Cicéron, qui étaient l’un son ami, et l’autre son parent. Mais, dans la suite, Antoine fit Hortensius prisonnier à la bataille de Philippes, et l’égorgea sur le tombeau de son frère. Brutus, en apprenant la mort de Cicéron, dit publiquement : « J’ai plus de honte de ce qui l’a causée que je n’ai de douleur de cette mort même. Tout le tort en est à mes amis