Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent la remirent dans son état naturel. La nouvelle de la mort de Porcie jeta Brutus dans un trouble extrême ; toutefois son malheur personnel ne lui fit point abandonner l’intérêt public ; et il ne sortit point du Sénat pour aller chez lui.

Déjà l’on annonçait l’arrivée de César en litière ; mais, alarmé des signes défavorables des victimes, il avait résolu de ne terminer ce jour-là aucune affaire importante, et de proroger l’assemblée, sous prétexte de quelque indisposition. Il était à peine descendu de litière, que Popilius Lénas, le même qui peu de temps auparavant avait souhaité à Brutus et à Cassius un heureux succès dans leur entreprise, s’empara de lui : il l’entretint fort longtemps ; et César parut lui prêter une extrême attention. Les conjurés, car on peut leur donner ce nom, ne pouvaient entendre ce que disait Lénas ; mais ils conjecturèrent, d’après le soupçon qu’ils avaient sur le compte de ce personnage, qu’un si long entretien ne pouvait être qu’une dénonciation détaillée de la conjuration. Découragés, ils se regardent les uns les autres, et s’avertissent mutuellement par l’air de leur visage de ne pas attendre qu’on vienne les saisir, mais de prévenir un tel affront en se donnant eux-mêmes la mort. Déjà Cassius et quelques autres portaient la main aux poignards qu’ils avaient sous leurs robes, lorsque Brutus reconnut, aux gestes de Lénas, qu’il s’agissait entre César et lui d’une prière très-vive plutôt que d’une accusation. Toutefois il n’en dit rien aux conjurés, sachant qu’il y avait, mêlés parmi eux, beaucoup de sénateurs qui n’étaient pas dans le secret ; mais, par la gaieté de son visage, il rassura Cassius ; et bientôt après Lénas, ayant baisé la main de César, se retira : ce qui fit voir que cette conversation n’avait eu pour objet que des affaires personnelles.

Dès que le Sénat fut entré dans la salle, les conjurés