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pour le 15 de mars, jour que les Romains appellent les ides : en sorte qu’il semblait que quelque divinité amenait César en ce lieu, pour venger par sa mort la mort de Pompée.

Le jour venu, Brutus, sans confier son dessein à d’autres qu’à sa femme, sort de chez lui, un poignard caché sous sa robe, et se rend au Sénat. Les autres conjurés, qui s’étaient assemblés chez Cassius, accompagnèrent d’abord jusqu’au Forum le fils de Cassius, qui prenait ce jour-là la robe virile ; puis ils entrèrent de là dans le portique de Pompée, où ils attendirent César, qui devait bientôt arriver. C’est là que quelqu’un qui aurait su le complot qu’on allait mettre à exécution n’aurait pu s’empêcher d’admirer la constance, je dirais presque l’impassibilité des conjurés, à l’approche d’un tel danger. Plusieurs d’entre eux, étant obligés, en leur qualité de préteurs, de rendre la justice, non-seulement écoutaient avec une parfaite tranquillité les différends des parties, et comme s’ils eussent eu l’esprit entièrement libre ; mais encore, par l’extrême application qu’ils y apportaient, ils rendaient les sentences les plus exactes et les mieux motivées. Un des accusés, qui venait d’être condamné et refusait de payer l’amende, en appela à César, criant et protestant contre la sentence. Alors Brutus, jetant les yeux sur l’assemblée : « César, dit-il, ne m’a jamais empêché et ne m’empêchera jamais de juger selon les lois. »

Cependant il survint plusieurs incidents capables de les troubler : le premier et le plus inquiétant fut le retard de César, qui arriva que le jour était déjà fort avancé ; car, n’ayant pu obtenir des sacrifices favorables, sa femme l’avait retenu chez lui, et les devins eux-mêmes lui avaient défendu de sortir. En second lieu, quelqu’un, s’étant approché de Casca, l’un des conjurés, lui prit la main, et lui dit : « Casca, tu m’as fait mystère de ton