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des griefs imputés à son client, il obtint, par ses instances, que le roi conserverait une bonne partie de son royaume. On conte que, la première fois que Brutus plaida devant César, celui-ci dit à ses amis : « Je ne sais pas ce que veut ce jeune homme ; mais tout ce qu’il veut, il le veut fortement. » Il est bien vrai que sa gravité ferme et constante ne cédait pas aisément aux prières et à la faveur : la raison était son guide ; et c’est d’un libre choix qu’il se portait à l’accomplissement du bien : une fois sa résolution prise, il mettait en œuvre tout ce qu’il avait d’énergie, et ne se rebutait point qu’il ne fût venu à bout de son entreprise. Les demandes injustes ne pouvaient prévaloir auprès de lui par la flatterie ; et, se laisser vaincre par d’impudentes obsessions, faiblesse que quelques-uns nomment honte de refuser, c’était, à ses yeux, tout ce qu’il y a de plus déshonorant pour un grand homme. « Ceux qui n’ont pas la force de rien refuser, disait-il souvent, ont dû ne pas faire bon usage de la fleur de leur jeunesse. »

Quand César fut sur le point de passer en Afrique pour attaquer Caton et Scipion, il confia à Brutus le gouvernement de la Gaule cisalpine : choix qui fit le bonheur de cette province. Car, tandis que toutes les autres, comme si elles eussent été des pays de conquêtes, se virent en proie à l’avarice et à l’insolence des gouverneurs qu’on leur donna, Brutus fut pour celle-ci la consolation et la fin de ses calamités passées ; et tout le bien qu’il y faisait, il le rapportait à César, attirant ainsi sur César la reconnaissance de ces peuples. Aussi, quand César, à son retour, traversa l’Italie, le bon état de ces villes fut pour lui un délicieux spectacle ; mais il ne fut pas moins satisfait de