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doutable conspiration de Catilina, qui faillit renverser la république, Caton et César étaient assis proche l’un de l’autre. Ils se trouvaient d’un avis contraire. Dans ce moment, on apporta du dehors un petit billet à César, qui se mit à l’écart pour le lire. Alors Caton s’écrie que c’est une indignité à César de communiquer avec les ennemis de Rome, et d’en recevoir des lettres. Sur cela il se fit un grand tumulte dans l’assemblée. Alors César présenta à Caton la missive qu’il tenait ; et Caton lut une lettre amoureuse de sa sœur Servilia. Il la rejette à César, en lui disant : « Tiens, ivrogne ! » et il reprend son discours, pour achever de donner son avis. Tant l’amour de Servilia pour César était publiquement connu dans la ville !

Après la déroute de Pharsale et la fuite de Pompée vers la mer, le camp fut forcé ; mais Brutus se déroba secrètement, par une porte qui conduisait à un lieu marécageux, plein d’eaux stagnantes et de roseaux. Il se sauva la nuit à Larisse, d’où il écrivit à César. Charmé de le savoir envie, César lui manda de venir le joindre ; et il ne se contenta pas de lui pardonner : il le traita avec autant d’honneur que pas un de ses amis. Personne ne pouvait dire de quel côté Pompée cherchait un refuge : on se perdait en conjectures. César, faisant je ne sais quelle route seul avec Brutus, tâcha de savoir sur ce point sa pensée. Les conjectures de Brutus sur le lieu où Pompée avait dû se retirer lui parurent fondées sur d’excellentes raisons : il s’y arrêta de préférence ; et il marcha droit en Égypte. C’est en Égypte que Pompée avait en effet cherché un asile, comme l’avait conjecturé Brutus ; mais, en abordant, il y avait trouvé la mort.

Brutus adoucit César en faveur de Cassius, et défendit devant lui le roi d’Afrique accusé[1] : accablé sous le poids

  1. Le roi que désigne le texte ne peut être que Juba ; mais on ne lit nulle part que Brutus ait plaidé pour ce prince, tandis qu’il est certain qu’il plaida pour Déjotarus, roi des Galates. Il est donc probable, ou que le passage de Plutarque est corrompu, ou que Plutarque a été mal servi par sa mémoire.