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avait rien de grand à faire dans l’île ; d’ailleurs Pompée et César étaient déjà en présence, prêts à décider de l’empire par un combat : Brutus s’en alla en Macédoine, comme simple volontaire, pour prendre sa part au péril commun. Pompée, dans un transport de joie et d’admiration, se leva, dit-on, de son siège, au moment où Brutus s’approcha ; et il l’embrassa, à la vue de tous, comme un homme sur qui il fondait de grandes espérances. Brutus, durant la guerre, passait à étudier et à lire tout le temps qu’il n’était pas avec Pompée, et non-seulement lorsqu’on restait dans l’inaction, mais même la veille de la grande bataille[1]. On était au fort de l’été ; il faisait une chaleur extrême, et l’on était campé dans un terrain marécageux. Les esclaves qui portaient la tente de Bru-tus ne se pressaient pas d’arriver ; Brutus était accablé de fatigue : néanmoins il ne se décida que sur le midi à se frotter d’huile et à prendre quelque nourriture ; et, tandis que les autres ou dormaient ou songeaient avec inquiétude aux événements qui se préparaient, il s’occupa jusqu’au soir à écrire un abrégé de Polybe.

César, dit-on, n’oublia point Brutus en cette rencontre : il recommanda, pendant le combat, aux officiers qu’il avait sous ses ordres, de ne point tuer Brutus, mais de l’épargner ; de le lui amener, s’il se rendait volontairement, et, s’il se défendait contre ceux qui l’arrêteraient, de le laisser aller, et de ne lui faire aucune violence. Il en aurait usé ainsi, selon quelques-uns, pour faire plaisir à Servilia, mère de Brutus. Car, dans sa jeunesse, il avait eu des habitudes avec Servilia, qui s’était éprise pour lui d’une violente passion ; et, comme Brutus était né pendant que cet amour était dans tout son feu, César était à peu près convaincu qu’il était le fruit de ses œuvres. On conte qu’un jour, qu’il s’agissait au Sénat de cette re-

  1. La bataille de Pharsale.