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BRUTUS.


(De l’an 79 à l’an 42 avant J.-C)

Marcus Brutus descendait de Junius Brutus, auquel les anciens Romains avaient dressé dans le Capitole une statue de bronze au milieu de celles des rois : elle tenait à la main une épée nue, pour marquer que Junius avait détruit sans retour la puissance des Tarquins. Mais le premier Brutus, semblable à ces épées qu’on a trempées brûlantes dans l’eau froide, n’adoucit point par la culture la rudesse naturelle de son caractère, et se laissa emporter par sa haine contre les tyrans jusqu’à faire périr ses fils. Au contraire, le Brutus dont nous écrivons la Vie s’appliqua à former son caractère par l’étude des lettres et de la philosophie ; il donna l’élan à sa nature grave et douce, en y développant cette énergie qui fait accomplir les grandes choses ; nul enfin n’avait reçu, à mon avis, de plus heureuses dispositions pour la vertu. Aussi, ceux même qui ne lui pardonnent point la conspiration contre César attribuent-ils à Brutus tout ce qui s’est pu faire de grand dans cette entreprise, et rejettent tout ce qu’elle a de plus odieux sur Cassius, allié et ami de Brutus, mais qui n’avait rien de commun avec lui pour la simplicité et la pureté des mœurs.

Servilia, mère de Brutus, rapportait son origine à Servilius Ahala, lequel, voyant Spurius Manlius aspirer à la tyrannie et fomenter des troubles parmi les citoyens, prit un poignard sous son aisselle, et se rendit au Forum : il s’approche de Spurius, comme pour lui parler et l’en-